Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/13

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mantes dans le souvenir desquelles il n’avait pas été remplacé depuis bientôt huit ans. Encore s’il était marié, nous comprendrions ; si même il vivait dans son château avec la dernière représentante de quelque passion ; mais nous connaissons, se disaient ses amis et ses amies, toutes les passions sabrées par le commandant. Lui, grand Dieu ! s’enfermer entre quatre murs pendant huit ans avec une femme ! Mais la supposition serait encore absurde en lui accordant huit femmes, et en admettant qu’il n’aurait, eu qu’une seule année à demeurer avec elles. Il n’était pas aussi facile qu’on se l’imaginera peut-être d’arriver à un complet éclaircissement par le, fait très-naturel et très-simple d’une visite à son château de Chandeleur. Comme il n’invitait personne, personne ne croyait convenable de se rendre importun dans le but de satisfaire une curiosité qu’il aurait devinée. On regrettait donc beaucoup l’énigmatique commandant Mauduit de la Vallonnière en attendant qu’on l’oubliât.

Au moment où le soleil s’éteignait dans une mer de neige, une petite voiture s’arrêtait à la grille du château, qui s’ouvrit quelques minutes après. Le bruit des roues brisant les milliers d’aiguilles glacées amoncelées dans la grande avenue se fit entendre dans la solitude, et se perdit bientôt au milieu de l’immense silence répandu sur la campagne. La nuit d’ailleurs attachait déjà ses longs fils d’araignée aux branches noires du parc.

— Qui dois-je annoncer ? demanda un domestique au voyageur descendu de voiture.

— M, de Morieux, répondit celui-ci avec une visible hésitation. Oui, M. de Morieux.

Puis, se tournant vers son domestique, le voyageur lui dit :

— Attendons. Peut-être repartiras-tu tout seul ; peut-