Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/14

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être nous en irons-nous ensemble. Cela dépend d’une circonstance… Donne-moi toujours mon manteau, pour que je n’aie pas l’air de m’implanter ici.

M. de Morieux achevait à peine sa phrase qu’il entendit une voix qui venait du fond de plusieurs pièces et qui chantait, sur l’air de chasse si connu sous le nom de la Saint-Hubert :

Vive ! vive l’ami Morieux !
Ah ! dois-je en croire
Mes deux
Yeux !
Vive ! vive l’ami Morieux !

— Je reste, dit aussitôt M. de Morieux à son domestique. Pars.

— Quand faudra-t-il venir chercher monsieur ?

— Jamais, dit le commandant en prenant son ami entre ses bras et en l’embrassant à plusieurs reprises.

— Je t’écrirai.

— On t’écrira, dit le commandant.

— Oui, monsieur le commandant.

— À propos, il me semble ; reprit le commandant, qu’il fait bien froid pour t’en aller à Paris à cette heure et sans avoir rien pris. Rentre ton cheval, et va ensuite te chauffer, souper et te coucher. Tu ne t’en iras que demain… Ça t’arrange-t-il, Morieux ? C’est que, si cela ne t’arrangeait pas, cela me serait parfaitement égal.

Les deux amis regagnèrent une vaste pièce placée du côté du parc, et se laissèrent tomber tous les deux dans d’immenses fauteuils de campagne, devant un feu en train de consumer une demi-voie de bois.

Dans le premier moment, ils ne trouvèrent rien à se dire, tant ils éprouvaient une joie vive et cordialement