Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/176

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mienne, mon bonheur et je crois aussi le vôtre. Vous exigez de moi que je consente à vous laisser disposer de votre vie, au cas où votre père ne consentirait pas à notre mariage. Est-ce qu’il peut ne pas consentir ? Je vous dis, je vous affirme qu’il consentira. Voulez-vous que je vous le jure ? Je vous le jure.

« Venons à l’exécution. Soyez à neuf heures, pas plus tard, la nuit prochaine, près de votre croisée qui ouvre sur la campagne. Je frapperai deux coups au carreau. Vous ouvrirez, vous descendrez ; il y aura une échelle. Nous ferons à pied un quart de lieue environ. Un cabriolet nous attendra, nous y monterons tous les deux… Dieu fera le reste. »


C’est merveilleux de voir tout ce qui se fait de sérieux, de terrible, de criminel, dans la vie privée, sous les apparences les plus communes, avec les allures les plus banales. On a caractérisé trop poétiquement le contraste en disant ; C’est un volcan sous des fleurs ; car ces fleurs, il faut bien le dire, ne sont souvent que des couches de salade et des planches de radis. Ceux qui passaient et repassaient devant la boutique de M. Leveneur, qui entraient chez lui ou en sortaient, comme de coutume, avec une bouteille d’huile, une livre de sel, un paquet d’allumettes, ne se doutaient guère que, sur ces trois personnes de la maison, l’une devait être enlevée dans la nuit, l’autre errer au milieu d’une forêt pour dérober, à la faveur d’une correspondance surprise entre deux voleurs, une cassette de diamants de la valeur de quatre cent mille francs.

Enfin la nuit vint, et elle vint très-vite, car on était en plein hiver ; mais la soirée fut pesante à traîner pour la famille Leveneur. Manette regardait à chaque instant la pendule à la dérobée, et, lorsqu’elle ramenait ses yeux sur