Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Mais, monsieur le commandant, le bouilli d’hier ?

— Tu le mangeras, répondit Mauduit en pinçant si vivement, l’oreille de Mistral, que celui-ci devint rouge comme une grappe de groseille de l’arrière-saison.

— Un faisan truffé.

— Un faisan ! Mais, monsieur le commandant…

— Deux faisans.

— Et truffés ?

— Bourrés de truffes comme un mortier. Entends-tu ?

— J’entends, monsieur le commandant. Mais mademoiselle Suzon avait dit pourtant qu’on arrangerait ce restant de veau…

En appuyant le pied du fauteuil sur l’orteil de Mistral, le commandant apprit à son maître Jacques aménager ses commentaires, et à ne mêler, en ce moment, aucun nom propre à la conversation.

— Après, nous aurons une entrée de champignons.

— Oui, monsieur le commandant.

— Une salade de homards.

— Mais, monsieur le commandant, il faudra aller chercher toutes ces choses-là à Paris.

— Eh bien ! dit le commandant, qui, pas à pas, avait poussé Mistral près de la croisée du salon, et assez loin de la cheminée pour que de Morieux n’entendît presque rien ; on ira à Paris, on ira à Paris.

— C’est bien loin ; il est tard.

— On prendra des chevaux à la poste.

— Des chevaux de poste pour un homard.

— Pour mon plaisir.

L’oreille gauche de Mistral subit le pincement douloureux de l’oreille droite.

— Ce n’est pas tout.

— Quoi encore, monsieur le commandant ?