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Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/18

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— Est-ce que c’était possible ? Mais dis-moi… C’est-à-dire dis-moi, si tu le juges convenable, car tu ne me dois aucune confidence…

— Au contraire. Tes conseils…

— Je n’ai pas grande expérience en ménage, mon pauvre ami.

— Heureusement pour toi ! Le cœur de l’ami me suffira.

— Alors, puisque tu le veux, répliqua le commandant en croisant les jambes, je t’écoute. Mais à propos, se reprit-il vivement en les décroisant, et en se levant, il faut souper ou dîner, et, pour dîner ou souper, il est nécessaire que je donne mes ordres. Permets.

Le commandant sonna ; un domestique vint.

— Mistral, monsieur dîne avec moi.

— Ah ! monsieur dîne avec vous.

— Oui… Qu’y a-t-il ici ?

— Mademoiselle Suzon a ordonné avant de partir…

— Il ne s’agit pas de mademoiselle Suzon, mais de nous faire à dîner. Au surplus, ajouta le commandant, voici le menu ; on l’exécutera à la lettre.

— Oui, monsieur, à la lettre.

— Des petits pâtés…

— Des petits pâtés, dites-vous ?

— Des petits pâtés, insista sèchement le commandant. Une truite saumonée.

Mistral regarda son maître avec étonnement.

— Une truite saumonée, répéta celui-ci en ajoutant : un coq de-bruyère.

— Un coq !

— Ce qu’il y a de plus coq ! Entends-tu ?

De Morieux restait méditatif ; il n’entendait pas un mot de ce que disait le commandant à son domestique.