— Victoire, vous aurez bientôt dix-neuf ans, quoique j’aie dit au colonel que vous n’en aviez que seize et demi ; il faut songer au sérieux.
— Voyons, êtes-vous fou ?
— Ou bien il faut que le sérieux songe à vous ; il y a songé. Vous êtes jolie, très-jolie, infiniment jolie ; mais personne ne le sait. Voulez-vous que tout Paris le sache ?
— Je n’y vois pas de honte, répondit la blanchisseuse avec un sourire d’incrédulité.
— Vous avez la plus charmante taille qu’on ait jamais vue : qui vous l’a jamais dit si ce n’est votre miroir ou moi ?
Poliveau exagérait. Bien d’autres l’avaient dit à Victoire, qui se permit de sourire une seconde fois.
— Ne seriez-vous pas fière, reprit-il, que tout le monde vous le dît ?
— Mais oui… je ne le cache pas… Pourquoi toutes ces tentations ?… vous m’empêchez de repasser, vous me montez la tête… Laissez-moi en repos…
— Votre naissance, Victoire, laisse beaucoup à désirer ; il ne tiendrait qu’à vous d’être grande dame, et peut-être… mais chut !… vous habitez le faubourg Saint-Antoine et au sixième étage ; ne préféreriez-vous pas le faubourg du Roule et un bel hôtel avec jardin, écurie et chevaux ?
— Poliveau, vous avez bu aujourd’hui.
— Est-ce que je sens le vin ?
— Vous sentez le mensonge.
— Vous êtes la servante de chacun par votre état de blanchisseuse ; balanceriez-vous si l’on vous laissait entrevoir la possibilité d’avoir bientôt domestiques, cocher, groom, etc. ?…
La blanchisseuse se mit à chanter d’une voix moqueuse :