Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/217

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en s’arrondissant en perle, s’arrêter à l’angle ému de ses lèvres.

— Qu’elle est belle ! pensa le colonel en remettant l’or dans son secrétaire.

Ce n’est pas une danseuse de l’Opéra, mademoiselle Praline, qui aurait refusé… Femmes vénales !

— Croyez bien, mon enfant, que je n’ai pas voulu vous offenser en vous offrant cet or, qui n’est, après tout, qu’un juste dédommagement de la perte à laquelle je vous expose… Mais, puisque vous le refusez, n’en parlons plus. Je sais de quelle autre manière je vous indemniserai…

— Vous ne voulez donc pas me laisser partir ?…

— Non… Cependant je ne vous fais pas violence… Mais, voyez, il est déjà bien tard…

— Mon Dieu ! oui…

— Et vous n’avez pas dîné ?…

— J’en déjeunerai mieux demain.

— Beau raisonnement… pour détruire la santé ; et c’est la santé qui vous fait si belle.

Sur ces entrefaites la porte s’ouvrit, et Poliveau poussa sur ses roulettes une table couverte d’un ambigu exquis, comme il avait l’habitude de le servir quand Praline soupait en tête à tête avec le colonel. — Les pièces froides, les entrées posées sur des réchauds d’argent étaient flanquées de deux bouteilles de bordeaux et de deux bouteilles de vin de Champagne, assises dans leur seau de glace.

— Et moi, qui ai mis deux couverts ! s’écria l’hypocrite Poliveau. Quelle distraction !

Il se disposait à en retirer un ; le colonel lui prit le bras. Poliveau plaça immédiatement une chaise devant le couvert, qu’il laissa sur la table. Il avait compris.

— Eh bien ! dit le colonel à Victoire ; vous ne vous asseyez pas ?