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Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/218

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— Moi ?…

— Avez-vous déjà changé d’avis ? Ne venez-vous pas de dire que vous dîneriez avec moi ?

— Puisque monsieur le colonel t’invite…

— Mais je n’ai rien dit du tout.

— Prendrez-vous un potage au lait ou un potage gras ?…

— Mais… je ne me souviens pas…

— Ce n’est pas la question. M. le colonel te demande si tu aimes le potage au gras ?…

— Voilà du bordeaux. Si vous aimez mieux le vin de Beaune, mon enfant…

Poliveau tenait d’une main le potage, et de l’autre il poursuivait avec un siége la blanchisseuse, qui finit par s’asseoir et par se trouver en face de son assiette. Elle était bien et dûment attablée…

— Très-bien ! lui dit tout bas Poliveau en lui versant à boire… Mais prends garde au champagne… c’est un-brigand.

— C’est bien bon… pourtant.

— À qui le dis-tu ?….. Mais évite sa fréquentation.

Par son ravissement, moitié réel, moitié feint, Victoire charma le dîner du colonel : elle défila tout un collier de surprises plus naïves les unes que les autres. Ah ! que c’est bon !… Ah ! c’est que c’est fort !… Ah ! que c’est doux !… Cela me pique la langue… Avec quoi fait-on cela ? Mais ce sont des truffes… je sais bien ; mais avec quoi les fait-on ?

— Donne-lui-en encore, Poliveau, et laisse-la deviner.

— Oui, mon colonel, répondit Rotiveau, qui remplit de truffes l’assiette de Victoire.

— Verse-lui de la Rose.

— Oui, mon colonel ; je verse.

— Eh bien ! avec quoi fait-on les truffes, ma belle enfant ?

— Avec de l’argent, répondit Victoire.