Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/272

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et à l’autre ces échappées : à la mère, qu’une maladie, venue à la suite de son accouchement, avait affectée d’un refroidissement à la jambe gauche ; à la gouvernante, menacée d’un rhumatisme aigu. Sous le coup de cette surveillance réciproque, si, dans leurs précautions mal prises, elles se rencontraient face à face la nuit au bord du berceau, elles se disaient avec une sorte de colère : — Que venez-vous faire là, madame ? Votre refroidissement ! Vous savez bien ? — Et vous, Sarah, pourquoi êtes vous ici ? Avez-vous oublié votre rhumatisme ? — J’ai entendu l’enfant qui pleurait, madame. — C’est faux, Sarah ! je suis éveillée depuis deux heures, Lucy n’a pas remué. — Alors, madame, pourquoi vous trouvé-je ici ? Et leur reproche s’éteignait dans une commune contemplation de leur enfant, rayonnant de sueur comme un Messie ; car les enfants vont au ciel — quand ils dorment ; s’ils ne nous l’ont jamais dit, c’est qu’ils l’ont oublié.

Vous connaissez Sarah mieux que je ne la dépeindrais, Elle a quarante-quatre ans, il y en a vingt qu’elle vous sert. C’est elle qui vous a promené sur son bras dans la grande allée des Tuileries, et qui sentait son cœur battre quand, derrière elle, de belles dames disaient : — Mon Dieu, le bel enfant ! — Nourrice, à qui est cet enfant ? Comment appelez-vous cet enfant ? Nous avons tous été si beaux ! Un jour vous avez brisé une pendule ; où vous êtes-vous réfugié ? — Vous connaissez Sarah. — Une fois, déjà grand garçon, vous avez pleuré pour je ne sais quel amour, aujourd’hui déjà bien vieux dans votre cœur. — Qui vous a consolé ? Vous avez eu des prix au collége ; rappelez-vous celle qui, en descendant la rue Saint-Jacques, montrait avec fierté la serviette blanche d’où débordaient des feuilles de couronnes et des angles de livres. — Au retour de votre voyage, après avoir embrassé tout le monde, qui