Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/276

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placée entre le docteur Young et mistres Philipps, remplissait l’intervalle de deux fauteuils ; Sarah, aussi, était assise dans un fauteuil, mais en dehors du cercle, pour être mieux à portée de faire le service, d’apporter le lait ou le rhum au docteur ; Rog et Lucy jouaient devant le garde-feu.

— Docteur, dit un soir mistress Philipps en se versant du thé, je voudrais assurer le sort de Lucy.

— Mais, madame, le sort de Lucy est tout assuré ; elle héritera de vos biens après votre mort ; Dieu veuille l’éloigner le plus possible !

— Sans doute ; mais vous n’ignorez pas que je ne suis point mariée sous le régime de la communauté ; ma dot m’appartient en propre.

— Voudriez-vous en disposer ? À quoi bon ? puisque, sans recourir à ces ressources forcées, il vous est si facile de puiser à vos revenus.

— C’est vrai ; mais aussi n’est-ce point l’heure présente qui me préoccupe.

— Et quoi donc ?

— On peut mourir ; cela se voit tous les jours.

Sarah fit, de l’épaule, un mouvement d’impatience.

— Voilà encore, repartit le docteur, vos idées sinistres revenues, avec le brouillard ; je m’y attendais. Voyons, où souffrez-vous ?

Sarah posa un doigt isolé sur son front, sans être vue de sa maîtresse.

— Je ne souffre pas, répliqua, avec un sourire qui exprimait le contraire, mistress Philipps ; mais il y a si loin d’ici à la majorité de Lucy ! onze ans encore,

— Eh bien ! qu’est-ce que onze ans ? vous vivrez et je serai mort ; c’est tout.