Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/302

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Le domestique de pied qui parut dit tout bas à M. Young que deux marchands demandaient à parler à madame.

Celui-ci ordonnait brusquement par signe de les renvoyer, lorsque mistress Philipps, revenue à elle, insista pour qu’ils fussent introduits.

Un homme, entra : c’était un marchand d’habits.

À peine avait-il franchi le seuil, que Rog, en le voyant, bondit des pieds de sa maîtresse, où il dormait, à trois pieds du sol. Furieux, il tourna, le poil hérissé, tout autour de la chambre, pour en sortir. Quand il se vit traqué, il se coucha à terre et gémit.

— Ah ! te voilà, mon petit loup. Bien ! fais le gentil, pleure maintenant : j’ai ton affaire dans la poche.

Le. marchand d’habits tira en effet de sa poche cinq ou six sales lambeaux de mousseline blanche, et, comme ils ne ressemblaient pas peu à de la corde emmêchée en fouet, Rog, à cette vue, frémit dans ses poils et s’aplatit. Son souffle courait le long du parquet.

— Figurez-vous, milord, et vous, milady, que ce diable d’animal est entré avant-hier dans ma boutique, crotté comme un poëte, et qu’une fois dedans il a si bien joué des dents et des griffes, qu’il a mis dans cet état mes belles petites robes de mousseline blanche. Je suis vendeur d’habits, pour vous servir. Or, comme j’ai lu sur son collier, en voulant lui friser à froid le poil des oreilles, qu’il appartenait à la petite comtesse de Lucy, Euston-square, me voici avec la note des dégâts commis par lui, ne m’expliquant pas cependant pourquoi ce dégoûtant animal, pardon de l’expression, a de préférence lacéré mes vieilles robes d’enfants, au lieu de mes superbes habits tout neufs de comédiens, un ancien costume, par exemple, de M. Kemble dans Otello ou celui de mistress Siddons dans Henri VIII.