Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/319

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

UNE STATUE OUBLIÉE.


L’air du paradoxe est mortel. Que de gens pourtant ne peuvent vivre sans paradoxes ! Esprits obscurs, hommes célèbres, grands et petits, jeunes et vieux, tout le monde en France, à peu d’exceptions près, aime ou cherche à en faire. Et ceci est un fléau, une cause permanente de décadence parmi nous. Avec le paradoxe, tout est vrai, rien n’est vrai. Au dix-septième siècle, l’athéisme était appelé un dangereux paradoxe ; au dix-huitième, il fut une croyance ; en 1793, il devint la religion de l’État. Il n’est pas besoin de dire ce qu’était cet État. Paraître à la cour en habit noir et en pantalon bleu fut aussi un paradoxe prodigieux au milieu des moeurs royales. Rien n’était beau, élégant, digne, convenable pour un pays monarchique, comme l’habit brodé, les manchettes à point d’Angleterre, les bas de soie, les souliers à boucles et la poudre ; rien