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Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/323

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— Que faisais-tu donc là ?

— J’étudiais.

— Beau sujet d’étude ! Et qu’as-tu appris ?

— Vous verrez plus tard, leur répondit-il en achevant de remplir ses poches de tubercules terreux, restes du dîner des pourceaux.

Plus tard, le jeune naturaliste vint à Paris, moins pour y voir par quelle pente rapide s’en allait la monarchie de Louis XIV, car on touchait aux dernières années du règne de Louis XVI, que pour obtenir de quelque riche généreux un carré de terre. Dans ce carré de terre, il voulait tenter un essai. Les riches d’alors étaient le moule où l’on a coulé les riches d’aujourd’hui. « Un essai ! lui dirent-ils, et quel essai ? Est-ce pour obtenir de l’or ? Fût-ce pour cela, nous ne vous donnerions pas un carré de terre grand comme un mouchoir. Nous avons eu, Dieu merci ! des essais de tout. Essai de rajeunir, essai de manger toujours, essai de ne jamais manger, à l’usage du peuple ; essai de magnétisme, essai de banque, essai de tontine, essai de loterie, essai de drame en vers blancs, essai de ne jamais mourir, essai de faire de l’or en donnant beaucoup de louis à M. Cagliostro, essai de ne plus faire d’essais. Restons-en à celui-là. »

— Cependant, se dit le jeune philanthrope, je ne puis planter mes tubercules sur les boulevards ou au milieu du Palais-Royal ? Que faire ? Que devenir ? Il écrivit au roi. Ce roi était Louis XVI, c’est-à-dire un des meilleurs rois que nous ayons eus ; le plus humain, le plus éclairé, le plus porté à accueillir les idées généreuses. Aussi l’a-t-on tué en plein jour.

Quoique Louis XVI fût assailli, à cette époque d’effervescence, de gens à projets, d’économistes stupides comme le sont presque tous les économistes, de philanthropes taillés sur le modèle de M. de Mirabeau le père, lequel, lors-