Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/327

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sous toutes les latitudes, dans tous les climats, presque toute l’année, sous la neige comme dans les sables, à fleur de terre comme dans les caves, et de l’une d’elles vous faites autant de germes qu’il vous convient, en la coupant et en couvrant les morceaux d’une couche de terre. »

En parlant ainsi, et avec la simplicité de la conviction, le consciencieux savant tenait dans sa main l’une de ses plantes merveilleuses, de l’autre main il s’essuyait le front ; car on sue à parler à des académiciens, à d’illustres agronomes qui élèvent des cèdres dans des dés à coudre et touchent vingt mille francs par an pour créer des violettes doubles. Encore, s’ils les créaient !

À cette simple et éloquente exposition des résultats d’une des plus belles découvertes modernes, les savants répondirent par les gros mots de poison, de nourriture dangereuse, de lèpre. Quelques-uns objectèrent que le blé, avec lequel il est assez d’usage de faire du pain, suffisait à l’alimentation de première nécessité, dont le novateur voulait changer la base en la transportant dans sa fécule de moins noble origine. Le novateur savait comme eux qu’avec la farine du blé on formait un pain plus léger, plus blanc, meilleur sans contredit que le pain obtenu par sa fécule ; et, bien qu’il ne voulût pas se prévaloir d’une impossible supériorité, il aurait pu cependant répliquer ceci : Il est d’une incontestable vérité que l’objet alimentaire dont l’estomac de l’Européen s’est créé un besoin de chaque jour, de chaque repas, celui qu’il a choisi par goût et auquel il tient le plus par l’habitude, le pain, est de tous les aliments le plus luxueux, le plus difficile à tous les titres. Le pain se durcit vite, la farine se corrompt au bout de peu d’années, le blé est souvent atteint par les vers avant même sa complète maturité. Un mur humide détruit une réserve de plusieurs mois, un coup de vent couche la récolte d’une contrée en-