Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/39

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— Je dis ce que j’ai oublié de te dire. Je m’aperçois qu’il est temps. Cet après-midi, en traversant les boulevards, ma voiture s’est croisée avec celle de Sara.

— Mais quelle Sara ?

La cloche carillonna de plus belle, tandis que les domestiques couraient ouvrir.

— Sara ! ton ancienne maîtresse Sara !…

— Après ? Et quel projet avait-elle ?

— Elle m’a dit : « Où vas-tu ? » J’ai répondu : « Chez Mauduit. — À son château ? — Oui. — Il reçoit donc ? — Je n’en sais rien. — Eh bien ! dis-lui que j’irai aussi ce soir. »

— Voilà une ébouriffante surprise ! s’écria le commandant, dont l’exclamation fut au même instant couverte par le bruit de deux coups de pistolet tirés dans la grande avenue.

— C’est elle ! il n’y a plus à en douter, dit le commandant. Je reconnais là sa manière de s’annoncer.

La porte du salon s’ouvrit avec fracas. Sara, deux de ses amies et un vieux jeune homme râpé, entrèrent en même temps.

— Quel rêve ! s’écria Mauduit, qui ne se défendit pas d’un mouvement de joie en voyant une femme, jeune encore, qui lui rappelait ses dernières belles années, ses vendanges d’automne, ainsi qu’il les appelait.

— Sara !

— Commandant, laisse-moi t’embrasser neuf fois, et permets-moi de te présenter deux jeunes personnes auxquelles j’apprends à aimer : Paillette et Tabellion, et monsieur, qui est mon fou de cour, que tu connais déjà, comme chauve et carliste. Après le dessert, nous verrons si nous avons plus ou moins vieilli. À table ! à table ! puisqu’il y a table.