Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Allons, laisse-moi.

Le Marseillais, qui avait des raisons en foule pour tanner son bon maître, ainsi qu’on le verra plus tard, s’en alla, et il fallut bien qu’il fît accepter aux pêcheurs de Villeneuve-Saint-Georges de revenir le lendemain au château de Chandeleur chercher leur argent. La préoccupation du commandant Mauduit pendant tous ces dialogues à voix basse avec Mistral avait été horriblement pénible ; il tenait par-dessus tout à ce que pas un mot n’arrivât jusqu’aux oreilles beaucoup trop distraites pour cela de son ami et de son hôte.

Quelques minutes après, Mistral reparaissait au salon, mais cette fois pour ouvrir les deux battants de la porte, et porter, avec l’aide d’un valet, jusqu’auprès de la cheminée, la table toute servie.

— Enfin nous souperons ! s’écria joyeusement le commandant.

Morieux, la tête appuyée à l’angle de la cheminée, paraissait indifférent à ce que lui disait son ami, quand tout à coup un violent coup de sonnette retentit à la grille du château.

À ce bruit, Mauduit resta interdit.

— À dix heures et demie, murmura-t-il, qui donc viendrait ?

La sonnette fut agitée plus fort, beaucoup plus fort, et l’on eût dit des gens qui prenaient plaisir à faire beaucoup de bruit pour éveiller ou pour exciter les valets du château.

— Diable ! s’écria le commandant dont l’étonnement, mêlé d’inquiétude, n’échappa pas à de Morieux.

— Il serait original, mais il ne serait pourtant pas tout à fait impossible, dit celui-ci, que Sara eût mis son projet à exécution. J’en ai peur.

— Qu’est-ce que tu dis donc de Sara ?