Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/43

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vous, où le duc de… me regardait avec de grands yeux d’étonnement, parce que je me trouvai mêlée par hasard aux officiers des chasses du roi et avec de belles dames ; vous souvenez-vous que j’allai vers lui en lui disant : — Monsieur le duc, ne cherchez pas tant ; je suis une… Avez-vous ri ? avez-vous ri ? Allons, riez un peu comme ce jour-là. Vous me paraissez tristes tous les deux. Approche-toi davantage, Morieux ! dis-moi, qu’as-tu ? Sont-ils bien encore tous les deux ! Ma parole d’honneur, les cheveux gris vous vont très-bien. Puis, se tournant vers ses deux élèves, Paillette et Tabellion, elle leur dit d’un ton solennel, et vraiment elle était charmante en ce moment, avec son champagne, sa gravité et ses souvenirs : Enfants, vous serez aimées, vous serez battues, vous serez trompées, vous tromperez aussi, mais n’espérez pas être aimées, battues ni trompées par des hommes comme ceux-ci. Le moule de cette génération est brisé ! À leur santé, mes filles ! Prosper, ton oncle est mort ; buvons à la santé de celui qui te reste.

— Sara, tu ne sais me dire que des choses, désagréables aujourd’hui.

— Voilà pourtant le seul homme, continua Sara en montrant Prosper, dont je n’ai rien pu faire en 1830, et c’est en quoi il est admirable. J’ai fait, à la suite de cette Révolution, des préfets, des directeurs de spectacle, des députés, des juges, que n’ai-je pas fait ? Je n’ai rien pu faire de lui. Commandant, qui sait quand nous nous reverrons maintenant ? Voilà huit ans que nous ne nous étions vus : accorde-moi une faveur.

— Quoi donc ?

Les yeux de Mistral rencontrèrent une seconde fois ceux du commandant.

— Un caprice. Accorde-moi un caprice.