Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/56

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vacité, sacrebleu ! je n’aime pas qu’on fasse payer si cher ses services. Ôte-toi de là. Je m’en priverai. Et, passant trop brusquement devant Suzon, il la fit trébucher et tomber sur le canapé.

Et toujours soumis (étrange chose !) dans ses plus violents emportements, le commandant emplit d’eau un vaste bol, et il y plongea successivement avec une admirable bonne volonté, quoiqu’il rugît de colère, les tasses, les soucoupes de porcelaine et les verres à liqueur. Après avoir barboté dans cette mare, il se mit en devoir d’essuyer tous ces objets l’un après l’autre avec une serviette.

Suzon, qui voyait tout du coin de l’œil, gardait, sur le canapé, l’attitude que lui avait donnée le commandant en l’y poussant.

Celui-ci achevait sa besogne de marmiton lorsque Mistral entra, portant le bouilli, et le veau froid, destinés au souper de Suzon.

— Tiens ! monsieur qui lave la vaisselle !

Il ne put retenir ce cri.

Suzon sourit imperceptiblement.

Le commandant Mauduit resta pétrifié, une tasse de porcelaine d’une main, sa serviette de l’autre. Il n’avait plus pensé au retour de Mistral.

Mistral était splendide.

Suzon, c’était Omphale faisant filer Hercule, et encore Omphale n’était pas cuisinière.

L’adroite cuisinière fit signe à Mistral de remporter les mets qu’il tenait, et elle lui ordonna en même temps d’aller se coucher.

Mistral se retira.

— Ainsi il n’y a plus qu’elle et moi éveillés au château en ce moment. Mon supplice de la soirée est fini… pensait le commandant Mauduit, en présence de Suzon… Mais de-