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Page:Gozlan - La Dame verte, 1872.djvu/20

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Parmi les mots, il y en a d’irrésistibles si on en croit les sorciers ; des mots qui arrêtent dans sa chute la pierre en train de tomber. Le mot honneur, comme cette jeune femme le dit, m’arracha un cri et une résolution.

— Mais je vous avertis, lui dis-je, je vous avertis que je ne suis pas joueur.

— Allez, je vous attends.

— Je n’ai jamais mis les pieds dans aucune maison de jeu.

— Je vous attends, je vous attends !

— Mon inexpérience peut d’un seul coup vous faire perdre vos cinq cents francs.

— Allez, monsieur, mais allez ! allez !

Elle me poussa vers la porte qui nous faisait face et qui était toute grande ouverte, ce soir-là, et illuminée autant qu’elle est sombre et fermée en ce moment.

J’entrevis alors, à la clarté d’une des lanternes de la porte, l’ensemble de ses traits. Ils me parurent fort beaux, mais leur grande pâleur leur donnait une beauté de fantôme, surtout sous le voile vert à travers lequel je les apercevais. Comme ce voile était très-long, ainsi qu’on les portait alors, elle s’en drapa vivement le visage, la pensée tardive lui étant venue sans doute qu’elle avait commis l’imprudence de me le laisser voir.