Page:Gozlan - La Dame verte, 1872.djvu/35

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

le 5. Or, comme il y a contre le joueur trente-six numéros sans compter le zéro et (je crois) le double zéro, ce qui fait trente-huit mauvaises chances, je vous laisse à penser si j’espérais gagner. Mais le jeu s’engage, la roulette tourne sur son pivot, la bille lancée par le banquier bondit et s’arrête sur le numéro… 5. J’avais gagné ! gagné trente-six fois cent cinquante francs ; cinq mille quatre cents francs ! Mon cœur se gonfla, et je sentis mes paupières se mouiller. Le banquier, lui, n’eut, j’en suis sûr, aucune douce émotion, mais les pontes parurent charmés de ma victoire. Tout banquier est leur ennemi.

Un autre coup allait commencer.

Le banquier venait encore de dire : « Messieurs, faites votre jeu ! »

Que faire ? J’étais loin encore de mes dix mille francs. Étourdi, ivre, fou de mon bonheur, et m’imaginant qu’il allait continuer, je place encore sur un seul numéro tout ce que j’avais gagné.

La galerie murmura hautement de cette témérité qu’avait précédée une témérité déjà assez grande. J’entendis circuler autour de moi ces mots :

— C’est un insensé !

— C’est un brûlé !

— C’est un enragé !

— Il mérite de perdre !