Page:Gozlan - Le Dragon rouge, 1859.djvu/141

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
138
le dragon rouge.

— Mes promesses ! J’ai fait des promesses ?

— Mais c’est ici, dans ce salon, à cette place, que je vous demandai, il y a deux mois, si vous acceptiez ma main ; vous me répondîtes oui.

— Vous vous trompez, monsieur le marquis, je n’ai rien dit de cela.

— Vous ne vous souvenez donc plus ? Mais je me souviens, moi ; j’ai bien entendu ; vous avez dit oui ; vous avez consenti ; et aujourd’hui… aujourd’hui !

La douleur arrêta la parole sur les lèvres du marquis ; il pâlit, chancela, tomba dans le fauteuil, et prit sa tête entre ses deux mains.

— Quoi ! dit Casimire d’un ton cruellement léger, vous n’avez pas pris pour ce qu’elles valaient des réponses en l’air sur des propositions que j’avais lieu de croire tout aussi légères ? Pouvais-je supposer que vous attachiez la moindre importance à un amusement de votre esprit ? Le ton avec lequel vous parliez de votre amour si inattendu, si soudain, m’a complétement trompée… Mais, puisque je me suis trompée, je regrette de toute mon âme de n’avoir pas été plus sérieuse, monsieur le marquis, quand vous l’étiez si peu.

— Ah ! c’était une passion sincère, dit d’une voie étouffée le pauvre marquis de Courtenay, qui, toujours frivole au milieu de la plus réelle des douleurs de sa vie, ajouta : Si elle n’eût pas été sincère, aurais-je bouleversé de fond en comble mon palais appris à toute la noblesse de France que j’allais unir mon nom au vôtre ? aurais-je fatigué mon corps et mon esprit à vous préparer un sort digne de votre beauté et de mon amour ?

Casimire restait froide, interdite ; elle recueillait les premiers fruits de cette hypocrisie fatale qui n’était pas chez elle un calcul de coquetterie ; Casimire n’était pas coquette, mais un côté du caractère que lui avait donné son père. Elle avait écouté, permis en riant une passion, qu’elle avait inspirée, pour, en faisant semblant de l’écouter, en cacher une autre, celle qui