l’aîné de la famille, l’honneur de la maison, et que, s’il vous faut quitter ce monde, ce ne doit être que lorsque Dieu vous appellera. Il vous réserve peut-être à de grandes choses, à bien de la gloire avant ce moment.
— Moi ! de la gloire ! Comment voulez-vous que je meure avec gloire ? répliqua le marquis d’un ton railleur qui navrait. Si je ne mourais pas dans mon lit, je mourrais à coup sûr à la chasse, dévoré par mes chiens ou tué sous les pieds de mes chevaux. Est-ce cette mort que vous voulez que j’attende ? Ce n’est pas la peine de me détourner de ma résolution.
— Quelle est cette résolution, mon frère ? dites-la-moi, demanda le commandeur avec l’effroi sur le visage.
Feignant de n’avoir pas entendu, ou n’ayant réellement pas entendu, le marquis de Courtenay reprit :
— Je vous ai fait riche, mon frère ; vous n’aurez pas de peine à devenir illustre dans les armes après avoir si bien débuté. Notre maison n’a rien à demander de plus. Elle revivra par vous, si elle va mourir en moi.
— Cela ne doit pas être, mon frère, cria d’un accent désespéré le commandeur.
— Encore une fois, voulez-vous, reprit le marquis, que je vive pour être témoin d’un événement que j’appréhende plus que mille morts ensemble ! Voulez-vous qu’un jour j’apprenne que notre Casimire a donné son amour à quelqu’un, qu’elle s’est mariée ? oh ! mariée ! Mais, mon frère ! tenez, taisez-vous ! Vous n’avez pas aimé, vous n’aimez pas, vous ne savez pas ce que c’est que l’amour. Vous êtes un soldat, moi je suis un fou ; vous êtes de fer, moi je suis une flamme ! Il ne faut pas que je sois le témoin de ce malheur que je redoute, afin de conserver une chose à laquelle on doit tenir plus qu’à la vie.
— Il sent où il est blessé, pensa le commandeur. Pauvre frère !
— Mes amis, dit ensuite le marquis à Casimire et au commandeur qu’il embrassait tous deux avec une tendresse mêlée