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le dragon rouge.

d’égarement dans le regard et la voix : laissez-moi mourir, laissez-moi mourir.

Tous les trois pleuraient.

— Ce ne sera pas long ; voilà six jours que je n’ai mangé !

Le secret du suicide du marquis était découvert : il se laissait mourir de faim.

— Écoutez-moi encore, dit-il, je n’ai plus que peu de chose à vous dire. Tous mes biens sont dans ce portefeuille que je vous remets, mon frère !

— Mon frère, au nom du ciel ! s’écria le commandeur.

— Que pourriez-vous faire pour m’empêcher d’accomplir ma résolution ? Vous la retarderiez de quelques jours, et ensuite ?

— Casimire ! dit le commandeur en jetant sur mademoiselle de Canilly un regard où il avait mis toute son âme ; et un éclair annonçait la plus sublime des résolutions.

— Mon ami, répondit tout bas Casimire au commandeur.

— D’ailleurs, reprit le marquis, qui ne s’apercevait pas de ce terrible échange de pensées et de regards, je ne ferais que voler la mort de quelques heures. Voyez, je n’ai pas longtemps à l’attendre.

— Casimire ! Casimire ! s’écria une seconde fois le commandeur.

— Je vous comprends, reprit Casimire. Faites !

— Mon frère ! mon cher aîné. ! mon frère ! dit alors le commandeur, non ! non, vous ne mourrez pas.

Et il mit la main du marquis de Courtenay dans celle de Casimire.

— Non ! vous ne mourrez pas. Que Dieu ait pitié de moi !

Posant ensuite un genou à terre, le commandeur se découvrit et dit :

— Madame la marquise de Courtenay, je vous salue !