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le dragon rouge.

Raoul, emportant le tabouret avec lui, alla se mettre à un autre endroit.

Un de ses ingénieux persécuteurs aperçut aussitôt qu’une croisée était placée derrière le dragon et qu’un carreau de cette croisée s’ouvrait. Il se hâta d’aller l’ouvrir. Un vent glacial courut frapper le cou de Raoul.

Les camarades félicitèrent l’auteur de cette nouvelle mystification.

— Si nous le bafouons plus longtemps, fit remarquer un des sages de la bande, nous allons nous priver de tout moyen de nous mesurer avec lui ; nous l’aurons trop aplati. Ne déshonorons pas aujourd’hui celui dont nous voulons faire un adversaire demain.

— Il ne peut déjà plus l’être, dirent plusieurs.

— En ce cas, lui répliqua-t-on, qu’il ait la bonté de sortir d’ici, où ne peuvent rester que ceux qui ont fait leurs preuves.

Avant d’attendre la signification de l’arrêt rendu contre lui, Raoul se leva et se dirigea vers la porte du foyer. Il sortit après avoir franchi, toujours avec la même prestesse, la barrière de banquettes et de tabourets formée contre lui.

— Je suis fâché, dit un des jeunes gens, que notre soirée se passe ainsi sans résultat ; mais, véritablement, il n’y avait rien à faire avec ce berger déguisé en dragon. C’eût été une trop facile victoire que de l’humilier davantage. Nous devons nous contenter de l’avoir mis à la porte de notre réunion et de lui avoir fait perdre par là l’occasion de jouir du plaisir du spectacle ; car il n’aura pas eu l’audace de rentrer dans la salle après l’accueil qu’il a reçu ici.

— Ne comptez-vous pour rien d’avoir débarrassé madame la marquise de Courtenay de la présence de ce drôle ?

— Celui qui parle ainsi a raison, fut-il répondu à l’auteur de la remarque.

— Messieurs ; le second acte est commencé, vint annoncer à la porte l’huissier de la Comédie-Italienne.