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Page:Gozlan - Le Dragon rouge, 1859.djvu/298

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le dragon rouge.

pas reçus. On vous aimera, Léonore, et, si vous aimez à votre tour, eh bien ! aimez, portez au front votre amour ; ne craignez pas d’éprouver ce sentiment ni de le dire. Votre franchise vous sauvera de tous les tourments du doute et de toutes les hontes de la contrainte. Enfin, ne cachez rien à vous ni à personne.

— Ma mère, je ferai comme vous, interrompit Léonore.

— Je n’ai pas fait ainsi, moi ! et c’est pour cela que je veux que vous soyez heureuse.

C’est que je n’ai pas eu de mère, voyez-vous, se reprit vivement la marquise, je n’ai pas eu de mère qui m’ait conseillée. Vous serez donc pour moi, dans vos lettres, d’une absolue franchise. Entendez-vous, Léonore ? Vous ne me cacherez rien, ni vos pensées, ni vos sentiments ; enfin vous me traiterez comme tout le monde, et je ne vous abandonne qu’avec la promesse de votre part, la promesse sacrée, que vous vivrez avec la simplicité d’une enfant et la candeur d’un ange.

— Je vous le jure, manière ! et je vous tiendrai d’autant plus fidèlement mon serment qu’il m’a semblé, pendant que vous me parliez avec cette bonté, avec cette tendresse, que j’entendais la voix chérie de notre oncle, de mon cher oncle le commandeur.

La marquise, en poussant un cri de douleur, éleva jusqu’à ses lèvres palpitantes ses deux chers enfants, qui la soutenaient elle-même. Elle ne sentit pas qu’on les lui enlevait ; elle n’entendit pas la chaise de poste qui roula sur le pavé de la cour ; elle ne revint de sa léthargie que longtemps après leur départ, et ayant une lettre dans sa main à demi ouverte.


xxxi

La nuit était bien avancée lorsqu’elle se pencha pour la lire.