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le dragon rouge.

« Madame,

« Puisque vous paraissez tenir, par l’effet d’une curiosité dont je ne m’explique pas la cause, à vous assurer de mon retour à la vie, j’emploierai les premiers instants de ma convalescence à répondre aux lettres que vous m’avez écrites. Je me croyais deux fois mort pour vous cependant ; mais je cède à vos instances, j’obéis aux cris de votre inquiétude. Je vous rends la pitié que vous m’avez montrée. Ma générosité répond à la vôtre : »

— Quel langage ! murmura la marquise ; est-ce bien lui qui parle ? Il n’a vu que la générosité de ma conduite ? Il ne comprend pas, dit-il, la cause de l’intérêt que je lui porte. Mais que dit-il ? Une explication ! mon Dieu ! une explication.

« Vous avez pleuré sur ma mort, dites-vous ; mais que vous importait ma vie puisque vous savez l’avoir à jamais troublée par une action dont j’aurais emporté le secret au tribunal de Dieu, si Dieu eût daigné m’appeler à lui. »

— Une action ! Quelle action ai-je commise ? Ah ! cette nuit est fatale. Haletante, la marquise reprit :

« Le dernier objet que j’ai vu dans ce monde, au moment où je paraissais devoir le quitter pour toujours, — c’est votre portrait dans les mains de M. Raoul de Marescreux. »

— Mon portrait ! s’écria la marquise, mon portrait ! Ah ! oui, mon portrait !… Mon père ! ajouta-t-elle en s’adressant à la pâle effigie de son père. C’était bien mon portrait qu’il a vu dans les mains de ce Raoul de Marescreux.

Puis, reprenant encore sa lecture :

« Et la dernière parole que j’ai entendue de la bouche de mon heureux adversaire est que vous lui aviez donné vous-même ce portrait. »

— Oh ! l’infâme ! s’écria la marquise. En sorte qu’il aurait été, qu’il serait mon amant, n’est-ce pas ?