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le dragon rouge.

Le monde est une caverne d’hommes de proie, qui s’entre-dévorent sans pitié.


La pitié est une infirmité de l’esprit, qui finit par gagner le cœur, si l’on n’y prend garde.


S’il y avait deux existences, il faudrait à tout prix en consacrer une au bien, afin de savoir si l’autre s’en trouverait mieux. Mais il n’y en a qu’une.


Il faut donc s’arranger pour être heureux pendant qu’on vit.


Qu’est-ce que le bonheur ? La satisfaction physique et morale de soi-même. Tout ce qu’on peut dire ensuite se compose de sophismes, de paradoxes et de mensonges.


Ne pas faire le mal pour le mal, c’est trop empereur romain. D’ailleurs, notre éducation y répugne et nos habitudes en souffrent ; donc le mal est mal pour cela et à cause de cela.


Il y a beaucoup de malheureux, mais beaucoup plus de maladroits. Le bonheur est donc un art ; il faut le connaître.


Où trouve-t-on le bonheur ? Partout où le désir ne rencontre pas d’obstacles qu’il ne puisse vaincre. Mais s’il n’y avait pas d’obstacle, hypothèse absurde, il n’y aurait pas de désir.


Le bonheur se compose donc en partie de difficultés vaincues.


Les difficultés sont infinies parce que l’homme est l’ennemi de l’homme : le laboureur envie le laboureur, l’ouvrier déteste l’ouvrier, l’homme de cour hait l’homme de cour.


Cependant le lion ne mange pas le lion, la mouche ne tue