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Page:Gozlan - Le Dragon rouge, 1859.djvu/55

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le dragon rouge.

bras gauche, tandis que sa main droite saisissait désespérément la crinière du cheval arrivé au bord du torrent.

Le cheval s’élance.

Un instant on put voir en l’air Casimire coulant le long du flanc du cheval, la pointe de ses pieds rayant l’eau, retenue seulement par le bras du commandeur : deux figures pâles, de l’écume au-dessous. Le cheval tomba dans l’eau, car aucune force possible ne l’eût fait s’élancer jusqu’à l’autre bord. Il enfonça dans un sable doux. Il resta étourdi, mais debout ; il n’était pas blessé.

Casimire et le commandeur gagnèrent facilement le rivage en tirant le cheval derrière eux.

— Pourquoi vouliez-vous sauter à bas du cheval ? demanda le commandeur à Casimire ; vous vous seriez brisée en tombant.

— Parce que, si l’on eût trouvé nos deux cadavres dans le torrent, répondit-elle, on eût dit que c’était un suicide par amour, que nous nous aimions.

— Et mieux vaut se briser le crâne, n’est-ce pas ? dit le commandeur.

Casimire ne répondit pas. Assise sur le sable près du commandeur, qui se tenait debout, elle s’occupait à réparer le désordre de sa toilette.

Le commandeur entrait dans sa dix-huitième année. Un beau front couronnait son visage d’une gravité naturelle. Ses traits étaient un peu pointus, fins, sans maigreur. Très-rapprochés, ses yeux, d’un bleu décidé, avaient un mouvement tranquille et long : ils exprimaient le penchant à la réflexion plutôt qu’à la mélancolie. Son nez hardi était celui des Condés. Une ligne franche dessinait ses lèvres légèrement rebondies, comme chez toutes les personnes dont la bonté résulte de l’intelligence. Sa tête tournait avec aisance sur des épaules bien attachées. Le commandeur était de la taille déliée des chevaliers, mot qui dessine et qui peint.