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Page:Gozlan - Le Dragon rouge, 1859.djvu/60

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le dragon rouge.

— Au nom du Ciel, mon père, ne me dites rien de plus ; ne me confiez pas de secret. J’ai peur de vous entendre.

— Rassurez-vous, lui dit le comte de Canilly, comme il s’agit aussi et avant tout de votre intérêt, j’ai foi entière en votre discrétion.

Le bon père laissait paraître le bout d’oreille de Machiavel.

— Écoutez, Casimire ! Vous savez que je suis depuis deux ans en correspondance suivie avec M. de Marescreux ?

— Oui, mon père ; ce riche négociant du Béarn, un marchand de laines…

M. de Canilly alla tirer sur la porte, quoique déjà fermée, la portière de gros lampas.

— Oui, mon père, vous vous écrivez au sujet de certaines marchandises de contrebande, qu’il fait passer, pour votre compte, du Béarn en Espagne, et de certaines autres marchandises pareillement prohibées, dont il facilite le passage d’Espagne en France. Vous êtes associés enfin.

— Oui, nous sommes associés, ainsi que vous le dites ; mais ce que vous avez ignoré jusqu’ici, continua le comte de Canilly, c’est que ces ignobles termes de marchandises dont nous affectons de nous servir dans nos lettres, offrent un sens tout différent dans nos pensées. Ils nous permettent de nous entretenir, à l’abri de tout soupçon, d’un vaste projet politique dont lui et moi sommes les principaux instruments.

— C’est peut-être une conspiration ? demanda Casimire, dont l’œil darda.

— Nous allons faire de l’histoire, ma fille !

Casimire frémissait de curiosité.

— Mais de l’histoire à la manière des anciens. Il s’agit de rois, de royaumes, de changements de dynastie.

— De rois, de royaumes, de changements de dynastie, murmurait Casimire, traversée par le courant électrique qui sortait de tout les pores de son père quand elle l’écoutait.