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le dragon rouge.

l’annonce comme si prochain ! Car elle ira dire au commandeur : Oui, je fus ambitieuse, mais je ne l’ai été que pour vous. Cela m’a valu des titres, des provinces, une souveraineté. Prenez ! prenez ! partageons ! ou plutôt ne me laissez rien, ne me conservez que votre amour et quelque reconnaissance. Elle aurait souhaité que le commandeur fût encore plus effacé, plus modeste, pour aller le chercher dans son humilité et le conduire, elle, les mains sur ses yeux, jusqu’à l’endroit le plus haut, le plus lumineux de la prospérité, et l’éblouir alors, l’inonder de la grande clarté de la fortune, tandis qu’elle serait aux pieds de son roi, de son cher obligé.

Elle était au fond de ces beaux pays de rêves que parcourt tout éveillée la jeunesse, lorsque la portière fut doucement soulevée. Casimire n’avait rien entendu. Le commandeur s’avança jusqu’à deux pas de la table, où, les coudes appuyés, ayant sous ses yeux le manifeste commencé, Casimire pensait à celui qui était derrière elle. À sa voix elle sortit brusquement de ses réflexions et cacha avec son mouchoir la feuille de papier à moitié écrite.

— La porte était donc ouverte ?

— Vous vouliez donc qu’elle fût fermée pour tout le monde ?

— Mais non, restez ! dit Casimire. C’est que je pensais que mon père m’avait enfermée ; il m’avait dit… il voulait…

— Enfermée ! redit le jeune commandeur, comme une prisonnière !

— Oh ! non, mais comme un secrétaire, dont le maître ne veut pas que les pensées soient troublées.

— Je me retire donc.

— Vous savez bien que la défense ne peut s’étendre jusqu’à vous.

— C’est donc un secret ?

— Pas le moins du monde, dit Casimire en rougissant. Mais d’où vient, demanda-t-elle à son tour, que vous avez pris ce costume sous lequel je ne vous ai jamais vu ?