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le dragon rouge.

quoi engagent, les événements une fois accomplis. Je croyais n’avoir pas besoin de vous apprendre ces choses-là.

— Ah ! mon père, que je vous remercie ! s’écria Casimire sans s’arrêter à la grave inconséquence d’un tel procédé, ne voyant que la joie de ne pas se marier avec le fils de M. de Marescreux.

— À l’avenir ne tombez plus dans de semblables fautes, reprit M. de Canilly. Songez toujours que ce qu’on dit doit cacher ce qu’on ne dit pas, et que ce qu’on ne dit pas apprend, bien souvent, à celui qui sait écouter, l’objet dont on veut lui faire un mystère. Et méfiez-vous surtout des hommes qui pleurent.

— Mon père…

— Vous aimez ! reprit M. de Canilly, sans paraître attacher la moindre importance à cette accusation, tant il voyait, lui, homme sérieux, peu de gravité aux caprices du cœur. Voilà ce que vous ne m’avez pas dit. Me suis-je trompé ?

— Est-on jamais bien sûr, mon père, de ne pas se tromper dans les sentiments qu’on croit éprouver ?

— Vous êtes enfin dans le vrai maintenant, répondit le père de Casimire, qui recevait en bonne monnaie d’hypocrisie ce qu’il avait donné en lingots d’hypocrisie.

— Quoi qu’il en soit, acheva-t-il, écrivez en bas de ce portrait les mots dont nous sommes convenus.

Casimire obéit.

— Adieu, ma fille ; travaillez à votre manifeste. Je vous laisse à vos grandes inspirations.

M. de Canilly sortit du cabinet, où il laissa Casimire, le feu dans la tête, l’ambition dans le cœur, la plume à la main.

Abandonnée à elle-même, la jeune fille posa la plume sur la table et pensa à celui sans lequel elle ne voulait pas être heureuse, au jeune commandeur de Courtenay. Quelle fête pour elle le jour de la réussite des projets de son père ! Qu’elle est impatiente déjà de voir arriver ce jour, quoique son père