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Page:Gozlan - Le Dragon rouge, 1859.djvu/86

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le dragon rouge.

— En posant sur la table les deux lais de velours dont elle assortissait les nuances, Casimire répondit : Je le trouve digne de lui lorsqu’il aimait mademoiselle de La Vallière.

— Ah ! vraiment, dit le marquis de Courtenay embarrassé de savoir s’il n’y avait aucune allusion directe à sa personne dans cette réponse. Pourriez-vous me dire pour quel motif vous donnez la préférence à cette époque de sa vie ? Serait-ce parce que ce fut pour mademoiselle de La Vallière qu’il entreprit de construire le château de Versailles ?

Le marquis leva ensuite les yeux, et les promena autour de lui comme pour établir une comparaison silencieuse entre son hôtel et la création de Louis XIV. Il allait au-devant de l’allusion, puisque l’allusion ne venait pas assez vite à son gré.

— Non, répliqua Casimire, mais parce qu’il fut grand, généreux, délicat, tant qu’il resta fidèle à mademoiselle de La Vallière, la plus douce et la plus intéressante passion de sa vie.

— Est fidèle qui peut et non qui veut, dit le marquis de Courtenay.

— Vous l’approuvez donc d’avoir oublié cette charmante femme, de l’avoir fait languir et mourir au fond d’un cloître après l’avoir tant aimée ?

— C’est moi, reprit Marine, qui me serais ainsi enfermée dans un cave pour pleurer du matin ou soir ce garnement-là ! J’aurais commencé par arracher les yeux à la Montespan afin de me soulager un peu, puis j’aurais dit son fait au monarque.

— Eh ! la tigresse !

— Pas moins, murmura Marine.

— Vous n’entendez rien aux passions, vous autres femmes ; vous croyez…

— Et qui donc y entendra quelque chose ? interrompit Marine.

— Le cœur s’agite longtemps avant de se fixer, dit le marquis avec l’intention de demander une excuse pour les légèretés de la jeunesse, les siennes comprises. Ce ne sont pas les pre-