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Page:Gozlan - Les martyrs inconnus, 1866.djvu/265

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mobile, non-seulement de tous les plaisirs, mais encore de presque toutes les vertus. Des imbéciles méprisent l’or, c’est absolument comme si l’on méprisait le bonheur que l’or représente, et que lui seul à peu près représente. L’or du jeu a une voix, il chante, il vous berce. Grâce à cet or, on touche à tout par les mille rayons du désir et l’on reste suspendu. C’est une espèce de douce, de suave catalepsie ; si, au moment où on l’éprouve, on ne venait pas vous en tirer, on mourrait peut-être dans cette extase que les saints et les joueurs seuls connaissent. Mais le monde ne manque jamais de ces sortes d’appels. Une lampe de fête luit quelque part, un souvenir revient, un ami passe : on touche un sens, il s’éveille, il éveille les autres, et l’on est redevenu homme.

Vaudreuse goûtait la satisfaction céleste du gain avec plénitude, au moment où un domestique du cercle lui remit un billet dont l’écriture lui était parfaitement connue. Avant de se retirer dans un coin du salon pour en lire le contenu, il fourra dans ses poches l’or et le tas de billets de banque amoncelés devant lui par la marée de la fortune. Que me veut encore Ambroisine ? Qu’est-ce que cela signifie de m’écrire à cette heure-ci ? Voyons.

Stephen, Anatole et Léonard avaient deviné sans peine de qui pouvait être ce billet écrit à Vaudreuse. Ils se concertèrent et ne perdirent pas un mouvement de leur ami. Bref, dans sa rapide rédaction, le billet fut parcouru d’un regard. Après l’avoir lu, Vaudreuse le