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Page:Gozlan - Les martyrs inconnus, 1866.djvu/292

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pant du pied. Il n’y a qu’elle pour toucher à de la batiste sans la faner.

De découragement, Vaudreuse se mit à regarder à travers les carreaux ce qui se passait dans la rue. Triste aspect !… des brancards sur lesquels étaient les meubles d’Ambroisine stationnaient dans la neige qui couvrait le pavé. Il neigeait même beaucoup dans ce moment, et des ondées blanches couraient sur les riches albums, sur l’ébène des tables et la dorure des tableaux. De beaux chenets ciselés étaient en équilibre sur la borne du coin ; on avait déposé, sur le panier du marchand de marrons, une admirable pendule. Les larmes en vinrent aux yeux de Vaudreuse, obligé de chercher une autre diversion à son douloureux mécontentement.

« Coiffons-nous, se dit-il ; il est déjà bien tard. » Il se mit devant sa glace, prit un peigne et distribua ses cheveux, comme il en avait l’habitude, en deux sections. Un obstacle l’attendait au plus beau de son œuvre : la raie, cette difficile raie, pierre philosophale de la coiffure pour ceux qui n’ont pas longtemps exercé leur adresse. Impossible à Vaudreuse de tracer cette raie ; d’autant plus impossible qu’il avait toujours eu recours à l’élégante patience d’Ambroisine pour la dessiner sur sa tête. Plus il s’impatientait, plus il brouillait ses cheveux, extraordinairement loin de former la raie. La colère l’étouffa ; il brisa le peigne et il ébouriffa, de ses deux mains irritées, sa revêche chevelure. « Eh bien ! s’écria-t-il, je changerai la