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Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/168

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Depuis six heures du matin elle les offrait. Il allait être midi.

Le tanneur de Mascara n’était pas mort ; il avait rencontré par un de ces hasards qui ont remplacé la loterie royale de France, un homme excessivement généreux. Cet homme lui avait fait cadeau d’un panier, de deux cordes, et de trois livres de dattes. Avec cette cargaison il affronta Paris. « Dattes ! dattes ! criait-il, véritables dattes de l’Orient ! » Pauvre Turc ! et d’où diable auraient été ses dattes ? De Paris ou de Vaugirard, par hasard ? Le premier jour il vendit huit dattes, le second trois ; le troisième jour, celui où il criait à tue-tête à l’entrée du pont : Dattes ! dattes ! il n’en avait pas vendu une seule. Et elles étaient flétries par l’eau, souillées par la boue.

À deux heures, le froid tomba à douze degrés au-dessous de zéro.

Et la marchande de violettes qui ne vendait pas plus que le marchand de dattes bleuit et grelotta. Le Turc ôta son turban, le déroula et dit ou plutôt il ne dit rien. La petite se couvrit les épaules avec la longue pièce de mousseline du tanneur de Mascara.

— Dattes ! dattes ! véritables dattes de l’Orient !

— Violettes, mesdames, des violettes !

Aucun acheteur. Quatre heures sonnèrent, et le froid descendit à dix-huit degrés ; et ils n’avaient mangé ni l’un ni l’autre.

Quelques personnes charitables rirent en passant de voir un turc sans turban.

À trois heures, le cœur défaillit à la petite marchande