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III

Devenu l’hôte de lady Katty, on me permettra d’être l’historien de son intérieur : curieux intérieur, celui d’un enfant qui n’a pas encore huit ans.

Bien que M. Anderson eût la surveillance de la maison, il apportait une ingénieuse précaution à s’effacer derrière la volonté de Katty, qui, comme ces enfants de roi montés de bonne heure sur le trône, développait à vue d’œil une intelligence des plus merveilleusement précoces. On faisait une grande majesté à son petit règne.

La scène des boulevards qui ouvre cette histoire m’avait assez appris que Katty était convaincue, au même degré que ses parents, de l’extrême probabilité de sa fin prochaine. Seulement on ne lui avait pas révélé que son père et sa mère étaient à jamais perdus pour elle. Quelquefois, dans une préoccupation naïve, elle se surprenait disant : À leur retour, ils vont me trouver bien grandie, n’est-ce pas, monsieur ?

— Bien grandie ! se reprenait-elle ; comme si je devais grandir !

L’époque approchait rapidement où elle quitterait Paris et peut-être la France. Déjà le chapelain Anderson, à force d’argent et de protections, avait changé sa nationalité auprès de quelque chancellerie étrangère. Son nom avait été altéré en un autre nom. Par les mêmes inductions, je savais, mais c’est tout ce que je savais, que Katty passerait en voyage et dans la résidence inconnue où elle allait pour