Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/50

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dant ce temps, il alla à la porte du cabinet vitré, et en revint d’un bond. Il crut que je n’avais rien vu.

— Ce n’est pas votre main, Anderson. Qui donc ?

— Katty, — c’est moi. Je n’ai pas voulu passer devant votre porte sans vous dire bonjour.

— Merci, — me dit-elle ; — mais nous n’aurons pas de thé ce soir.

Et sa parole s’éteignait.

— Elle délire déjà, dit le chapelain.

— Eh bien, que soutenais-je hier ? Je savais fort bien où nous irions.

— Katty ! — vous souffrez, parlez moins.

— J’ai fini ; — voilà, — se tournant vers moi, le seul joujou qui me reste à vous donner.

Les enfants se levaient pour partir.

— Adieu, Bella ! adieu, Bridget ! adieu, Felicia ! adieu, Sibyl ! adieu, Margery ! adieu !… — Sa voix s’épaissit et n’arriva plus à ses lèvres.

Le chapelain plaça avec autorité la main sur la bouche de la petite lady.

Le joujou qu’elle m’offrait était le portrait de sa mère peint sur un médaillon, au revers duquel était le sien, en costume blanc ; celui qu’elle avait encore sur son lit de parade et de mort.

Sa bouche ouverte, sa respiration enflammée, courte et bruyante, son œil languissant, ce portrait, portrait qui pouvait être celui de deux vivantes ou de deux mortes ; ce digne ecclésiastique qui semblait, pour le dernier moment d’une lutte désespérée, réunir tous ses efforts, m’effrayè-