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Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/54

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— Qu’avez-vous enfin remarqué de plus extraordinaire dans ce pays, après le mont Blanc, le Montenverd et les représentants de la république helvétique ?

— Les Anglais, me répondit-il ; le seul peuple qui, par sa langue, ne puisse se faire comprendre à aucun des treize cantons. Cette calamité exceptionnelle les force à recourir à une dépense ruineuse de gestes ; ils usent leurs doigts ; s’ils veulent seulement exprimer le désir de manger un poulet rôti, il faut, dans leur douloureuse mimique, qu’ils imitent le bruit du poulet qu’on égorge et le bruit de la broche mise en branle. Après ces méritoires efforts, le cuisinier suisse leur sert souvent un lièvre en civet.

Et beaucoup d’autres esquisses des mœurs anglaises me furent présentées par mon ami.

La moins originale n’était pas celle-ci :

Fatigué de la vie, un riche lord avait eu recours à la distraction des voyages. Telle était, du moins, la version avec laquelle on expliquait plus généralement son long pèlerinage hors de l’Angleterre ; mais il était à bout de supporter la torture de l’ennui intérieur dont il était dévoré. De fait, la tristesse de son visage l’affirmait. Les mers et les continents avaient porté tour à tour sa goëlette allant de côte en côte, ses lourdes voitures broyant le pavé des villes.

— Et le nom de cet Anglais ? demandai-je à mon ami.

— Mac Ferlus.

— Un lord écossais. Un instant j’avais eu l’idée que ce pouvait être…