Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/87

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seaux, répondit M. Richomme ; mais silence ! voici mon gendre et ma fille. »

Fleuriot mettait tout l’empressement dont il était capable, à convaincre M. Richomme du regret qu’il éprouvait de son départ, glissant à travers ses phrases filiales des sollicitations nombreuses pour que ses espérances électorales n’eussent pas à souffrir de cet éloignement. Comme pour prendre date de ses dernières instances, il offrit à son beau-père un superbe fusil de Lefaucheux, à deux coups, incrusté de nacre à la crosse. Radieuse surprise de M. Richomme, qui, dans ses rêves de chasse, où il se voyait déjà dépeuplant sans pitié le ciel et la campagne, n’avait oublié qu’une chose, c’était de se procurer un fusil. Rien ne se compare à sa joie, semblable à celle d’un enfant qui reçoit pour la première fois un tambour ; il retourne l’arme dans tous les sens, l’admire, la fait admirer à Fournisseaux, qui, dans son étonnement béatifique et timoré, dit à son maître :

— Prenez bien garde au moins de ne pas vous brûler la cervelle par imprudence.

Confiant dans son adresse, Richomme sourit de la naïveté de Fournisseaux, et coucha en joue sa fille et sa femme, la bonne madame Richomme, toute attendrie, toute contrite d’entendre au moment même sonner dix heures au clocher fêlé de Saint-Merri.

— Tu parais triste, femme, lui dit Richomme ; nous n’allons pas au fin fond de la Cochinchine. Elle t’a remué le cœur, cette vieille cloche de la paroisse.

— Elle a sonné la mort de ma pauvre mère, notre mariage, le baptême de notre Lucette et son mariage aussi.