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Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/100

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que Fénelon relevait plus tard si vivement, c’est lui qui l’avait donné au jeune prince ou qui tout au moins, par la coutume qu’il lui en avait laissé prendre, en avait augmenté le besoin. Et si l’on doit croire que d’autres contribuèrent à fortifier ses habitudes d’austérité solitaire et de piété rétrécissante, est-il possible de méconnaître que la toute-puissante et trop puissante direction de Fénelon en avait déposé et développé le germe ? Plus tard même, quand, après tant d’années d’éloignement et de silence (c’est lui qui le remarque — lettre du 25 octobre 1708), quand il se rapproche de son élève, avec quelle autorité il le ramène et le retient sous le joug ! « Au nom de Dieu, écrit-il au duc de Chevreuse, que le P. P. ne se laisse gouverner ni par vous, ni par moi, ni par aucune personne du monde ! » Et en même temps il ne peut s’empêcher d’exercer sur lui, dans le détail, le plus impérieux des gouvernements.

Tout conspirait à lui mettre en mains cette action. « Malgré la raideur et la profondeur de sa chute, dit Saint-Simon, malgré la persécution toujours active de Mme de Maintenon, le précipice ouvert du côté du Roi et dix-sept années d’exil, il avait eu le bonheur de se conserver en entier le cœur, et l’estime de tous ses amis sans l’affaiblissement d’aucun, tous aussi vifs, aussi attentifs, aussi faisant leur chose capitale de ce qui le regardait, aussi assujettis, aussi ardents à profiter de tout pour le remettre en première place que les premiers jours de sa disgrâce… On se réunissait pour se parler de lui, pour le regretter, pour le désirer, pour se tenir de plus en plus à lui, comme les Juifs pour Jérusalem, et soupirer après son retour et l’espérer toujours, comme ce malheureux peuple attend