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Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/199

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cette sorte de négligé, de superflu, qui achète la séduction. Elle avait elle-même le sentiment de ce qu’elle réservait : « Je vous aime plus que ma sécheresse ne me permet de vous le dire, » écrit-elle à son frère. Elle n’ignorait pas non plus ce que parfois la franchise de son premier mouvement lui donnait d’apparente brusquerie. Souvent aussi, vers la fin de sa vie surtout, elle éprouvait comme une sorte d’épuisement : « En vérité, s’écrie-t-elle, la tête est quelquefois près de me tourner, et je crois que si l’on ouvrait mon corps après ma mort, on y trouverait mon cœur tors comme celui de M. de Louvois. »

Mais est-il juste d’insister sur les attraits qu’elle n’a pas voulu se donner ? « Peu de gens, disait-elle, sont assez solides pour ne regarder que le fond des choses » ; et c’est le fond des choses seul qui l’intéressait. Elle n’avait même pas la ressource de varier le thème de ses observations, car c’est le propre des sujets d’éducation qu’il faut sans cesse revenir aux mêmes maximes et ne pas craindre de se répéter. Ses lettres étaient faites moins pour être lues que pour être méditées. Il n’y faut pas chercher « ce qui pétillait de brillant et de fin sur son visage quand elle parlait d’action, » suivant le mot de Choisy ; elles donnent « le dessin plutôt que le coloris de son esprit » (Sainte-Beuve). Mais dans cette gravité de ton quelle souplesse ! Quelle force et quelle tenue dans cette pensée presque toujours juste, toujours sobre, également éloignée du paradoxe et de la déclamation ! Et quel modèle de ce style qu’elle recommandait aux demoiselles, « simple, naturel, sans tour, succinct » ! Mme de Maintenon est un écrivain. Sa langue est souvent pleine et savoureuse comme celle de Molière, subtile