Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/215

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à Mme de Lambert « de se trop rattacher à l’Hôtel de Rambouillet et de n’avoir pas eu la force de franchir, comme Mmes de Sévigné et de La Fayette, les barrières du collet-monté et du précieux. » Elle ne s’en défendait qu’à demi. Elle regrettait, dans un langage que les précieuses n’auraient pas désavoué, les maisons d’autrefois « où les Muses vivaient en société avec les Grâces. » Elle aimait à évoquer l’ombre charmante de Madame, la protectrice de Racine, l’asile des lettres et des arts, et il ne lui eût pas déplu que le souvenir en vînt à d’autres qu’à elle.

Sous les traits de Lambert, Minerve tient sa cour,

disaient ses flatteurs : Minerve ingénieuse et aimable assurément ; Minerve raisonneuse aussi et toujours armée en sagesse, la Minerve-Mentor du Télémaque. Ce qu’elle aime de prédilection et ce qu’on aime autour d’elle, c’est le « pensé. » On ne s’enthousiasmait guère dans les entretiens qu’elle menait de concert avec Fontenelle ; on admirait rarement ; on était en garde contre tout ce qui pouvait trahir l’émotion, la verve, l’inspiration ; le simple ne touchait pas plus que le sublime ; et c’est ainsi qu’on arrivait à ne chercher dans les vers qu’un jeu d’esprit, à aimer la poésie sans poésie, à préférer Lamotte à La Fontaine, le naturel laborieusement composé au naïf jaillissant de source. La Rivière disait malignement que dès le matin on préparait de l’esprit pour l’après-dîner. Lorsque certaines questions venaient à être posées, le goût de la délicatesse et de la manière entraînait tout le monde. Mme de Lambert avait ses jours de métaphysique ; elle était la première à en sourire ;