Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/216

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mais elle n’en avait pas moins pris plaisir à donner dans la quintessence ; et il semble que ces jours-là elle ne devait pas se sentir en parfaite sécurité de conscience envers Molière, avec qui elle le prenait quelquefois de si haut.

Mais ceux-là même qui critiquaient ces habitudes d’apprêt et ces écarts de jugement rendaient hommage au sérieux agrément des entretiens accoutumés. Les sujets qui s’y traitaient n’avaient rien de commun avec ceux qu’agitait le salon d’Arthénice. Ils rappelaient plutôt, par certains côtés, les problèmes de psychologie mondaine que Mme de Sablé posait si finement à ses amis. On y retrouvait bien plus encore l’esprit des matinées de Saint-Évremond. Entre Saint-Évremond et Fontenelle, bien qu’ils aient toujours vécu à distance l’un de l’autre, la parenté est étroite. Mme de Lambert n’avait pas moins de goût pour l’ami de Ninon. Vraisemblablement elle était entrée en commerce avec lui par l’intermédiaire de Mme d’Aulnoy, la voyageuse. Il est de ceux qu’elle appelle le plus volontiers en témoignage. Comme chez Saint-Evremond, les questions de politique et de religion n’avaient point cours dans sa maison. On se les interdisait, par un sentiment de convenance, mêlé sans doute pour quelques-uns d’indifférence épicurienne, mais où dominait chez tous le respect de l’ordre établi. Mme de Lambert et ses amis appartiennent à la génération de transition du dix-septième au dix-huitième siècle, génération tout à la fois engageante et discrète, qui avait l’intelligence et le goût de toutes les hardiesses, mais qui en sentait le péril et qui s’arrêtait au seuil des voies qu’elle avait ouvertes. Réserve faite des matières qui auraient pu déconcerter