Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/244

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société… Le monde n’est qu’une troupe de fugitifs d’eux-mêmes. »

C’est presque le ton du sermon. Mme de Lambert ne s’y maintient jamais longtemps ; mais elle s’y élève souvent. On l’a classée à bon droit parmi les moralistes : elle en a le sentiment, le tour, l’accent. « À lire continuellement, » notait sur ses écrits, en lui rendant un dernier hommage, l’un de ses plus nobles amis, l’honnête et sincère d’Argenson.

VII

Le bienfait de cette action serait plus complet, s’il n’était gâté parfois ou amoindri par un excès de curiosité littéraire.

Mme de Lambert était sincère quand elle parlait de son extrême sensibilité sur les discours du public. Une de ses œuvres venait-elle par surprise à tomber entre les mains d’un libraire, elle n’épargnait aucune démarche, aucuns frais pour la recouvrer. Elle avait près de quatre-vingts ans lorsque, pour la première fois, elle se laissa livrer au public de son plein gré. Mais il y avait dans cette discrétion autre chose qu’un pur sentiment de modestie. Même quand on n’écrit que pour soi, disait finement Fontenelle, on pense toujours un peu aux autres. Mme de Lambert se doutait bien que « ses débauches d’esprit, » qu’elle n’hésitait pas à remettre à ceux qu’elle savait en humeur de lui manquer de parole, à l’abbé de Choisy ou à tel autre confident aussi sur, circulaient de maison en maison, à petit bruit,