Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/308

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était presque dans l’indigence, elle lui fit délicatement remettre, sous forme de prêt, une somme de 16 000 livres. « Mais, de tous les témoignages, aucun, nous dit Grimm, ne fut plus agréable à Mme d’Épinay que ceux qui, comme celui de la princesse de Beauvau, étaient un hommage à sa sensibilité et à sa raison de mère. » Voltaire le savait bien, lorsqu’il lui écrivait : « La fille de l’arrière-petite-fille du grand Corneille vous lit en s’écriant à chaque page : Ah ! la bonne maman, la digne maman ! »

Rousseau eût pu légitimement revendiquer une part de ce succès. Les Conversations d’Emilie tiennent directement de sa méthode et de son esprit. Il en avait fourni dans le cinquième livre de l’Émile une sorte de modèle. C’est à son exemple que Mme d’Épinay donnait tant d’aisance à ces premières leçons, où elle ne semble avoir d’autre but que de nourrir, en l’excitant doucement, la curiosité de l’enfant. Mais, dès la seconde période, si elle avait abordé la suite de son plan, le maître aurait senti la différence. « Toute mon éducation s’est tournée vers les talents aimables, ces talents qui sont l’unique patrimoine intellectuel de Sophie, disait Mme d’Épinay, et j’en ai perdu l’usage : il ne me reste que quelques légères connaissances de ces arts et le sens commun. » Or elle estime que cela ne suffit pas. Nous arrivons ici au vif de ses sentiments. La réputation de bel esprit ne lui faisait pas peur ; le mot ne lui paraît « qu’un persiflage inventé par les hommes pour se venger de ce que les femmes ont communément plus d’agrément queux. » Cependant, à son sens, « on ne peut que gagner du ridicule à s’afficher pour savante, et elle ne croit pas qu’une femme