Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/309

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puisse jamais acquérir des connaissances assez étendues et assez solides pour se rendre utile à ses semblables ; en eût-elle la théorie, la pratique lui ferait toujours défaut : tout ce qui tient à la science de l’administration, de la politique, du commerce doit donc rester étranger aux femmes ou leur être interdit. » Même dans les belles-lettres, la philosophie et les arts il est, selon elle, une mesure que les femmes ne peuvent dépasser. À quoi leur servirait d’approfondir les langues anciennes ? Encore moins pourraient-elles sonder les mystères de la métaphysique. Et si la musique, la danse et la poésie sont à leur portée, on n’en saurait dire autant de la sculpture, de l’architecture, même de la peinture, « dont elles ne peuvent guère aller contempler les chefs-d’œuvre au loin dans les écoles étrangères, et que la décence leur défend d’étudier à l’école de la nature. » Ces réserves sont sérieuses, on le voit. Mais, dans le champ où elle se renferme, Mme d’Épinay se donne carrière. Elle ouvre largement aux femmes le domaine de la littérature, française, anglaise et italienne, de la morale, de la géographie, de l’histoire, de toutes les sciences sociales. Son salon était devenu, par Grimm, le rendez-vous des diplomates : le comte de Greutz, le baron de Gleichen, le comte de Fuentès, le marquis Caraccioli, le comte de Schomberg s’y rencontraient avec Galiani, Tronchin, Diderot, Sedaine, Necker, M. de Sartines et le baron de Montyon. On y discutait toutes les questions du jour, la Théorie de l’impôt et la Législation des grains, l’Armide de Gluck et les Salons de Diderot. La première visite de Voltaire, en revenant de Genève à Paris pour recueillir les honneurs de son dernier triomphe, avait été pour sa «