Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/363

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On distingue deux sortes de bonté : l’une essentielle et l’autre relative. La bonté essentielle consiste dans les rapports des attributs qui composent un sujet ; je dis qu’un être est bon, quand tous ses organes, quand toutes ses parties contribuent à sa conservation. J’appelle bonté relative celle d’une chose qui, dans sa place, tient à la chaîne universelle des êtres et sert à la perfection du système par la cohésion du tout… La vertu est l’habitude des actions utiles au bonheur public, l’amour de cet ordre, auquel sont attachés les avantages de tous. » Ces avantages ne l’intéressaient pas seulement pour son pays : elle avait « l’âme cosmopolite. » Elle se sentait unie à tout ce qui respire : un Caraïbe ne lui était pas indifférent ; le sort d’un Cafre la touchait. « Alexandre souhaitait d’autres mondes pour les conquérir ; j’en souhaiterais d’autres pour les aimer… L’universalité m’occupe ; la belle chimère de l’utile (s’il faut l’appeler chimère) me plaît et m’enivre. » Rousseau a servi l’universalité, et voilà pourquoi il est « le grand homme qu’elle adore. »

Mais, de toutes les doctrines de Rousseau, aucune n’avait plus profondément ému son esprit que celle sur laquelle l’auteur de la Profession de foi du vicaire savoyard établissait sa religion philosophique. Dans ses Lettres et dans ses Mémoires elle a raconté elle-même l’histoire de ses troubles, de ses variations de conscience : il n’est pas de partie de son autobiographie intellectuelle et morale sur laquelle elle s’étende plus volontiers. Sa mère, « qui avait de la piété sans être dévote et qui conformait sa conduite aux règles de l’Église avec la régularité et la modestie d’une personne dont le cœur, ayant besoin d’adopter les grands principes,