Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/52

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On peut par là même pressentir la façon dont FéneIon juge son aptitude à recevoir l’éducation. Il s’y montre tout à fait indépendant et très supérieur à ses contemporains. Ménage, annonçant le succès des Caractères de La Bruyère, ajoutait que, « si l’ouvrage avait paru trente ou quarante ans plus tôt, il aurait eu moins de réputation, parce que les femmes y sont trop mal traitées et que, pour lors, elles étaient en possession de décider. » Le trait n’atteint pas seulement La Bruyère. Il est certain qu’en général les écrivains de la seconde génération du dix-septième siècle se montrent moins favorables aux femmes que ceux de la première. L’éclat avec lequel elles avaient exercé leur autorité, l’abus qu’elles avaient fait de leur pouvoir, offusquaient-ils les esprits, comme semble l’insinuer Ménage ? Était-ce simplement la tristesse de la fin du règne dont l’ombre commençait à s’étendre ? Toujours est-il qu’après avoir admiré les qualités des femmes presque outre mesure, on semblait n’être plus frappé que de leurs défauts.

Il y aurait mauvaise grâce à s’étonner que Nicole, dans sa sévérité janséniste, les trouvât faibles par elles-mêmes et plus affaiblissantes encore par les sentiments qu’elles excitent, ou que Bossuet, cédant à un mouvement d’humeur, leur rappelât « qu’elles ne faisaient, après tout, que sortir d’un os complémentaire de l’homme. » Mais Malebranche, qui se piquait justement de bonne grâce, ne les ménageait pas davantage. S’il reconnaît qu’il y a des femmes savantes, des femmes courageuses, des femmes capables de tout, comme il se trouve, au contraire, des hommes mous et efféminés qui ne sont capables de rien ; s’il leur accorde que c’est à elles qu’il appartient « de décider des modes, de discerner