Page:Grégoire - Lettre aux philantropes sur les malheurs, les droits et les réclamations des gens de couleur de Saint Domingue et des autres îles françoises de l'Amérique.djvu/3

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jouets de l’oppression, jusqu’à ce qu’il plaise à leurs despotes d’alléger leur sort !

Cet étrange décret est prononcé, presqu’à l’unanimité, par les représentans du peuple françois, au moment où ils s’applaudissent d’avoir foudroyé la tyrannie, reconquis la liberté ; et comme si l’on eût craint la lumière, dans une affaire de si haute importance, un autre décret, précédant celui-ci, avoit empêché qu’on n’ouvrît la discussion.

Celui du 16 août dernier, relatif aux troubles de Nancy, avoit été rendu de la même manière ; et ses tristes résultats auroient bien dû garantir d’une précipitation enthousiaste. Si les réclamans n’avoient rien de sage à présenter, le décret n’en souffroit aucune atteinte ; et, dans le cas contraire, quelles terribles conséquences à tirer ! On n’a pas voulu nous entendre[1] ; mais jamais on n’étouffera la voix de ceux dont le caractère intrépide s’irrite contre les obstacles, et qui, voués au soutien des droits des hommes, monteroient sur l’échafaud pour les défendre. Les membres du corps législatif doivent l’exemple du respect à ses décisions ; mais le devoir d’obéir n’ôte pas le droit de raisonner. L’assemblée nationale ne prétend pas dominer les confiances ; ce seroit, d’ailleurs, une entreprise qui excéderoit les forces humaines. Ainsi, quiconque croit rectifier une erreur, proposer un mieux, acquitte une dette envers la patrie, et son zèle, fût-il erroné, seroit encore louable.

J’établirai que, par son décret du 12, l’assemblée nationale, manque, 1.o à ses promesses, 2.o à ses principes,

  1. MM. Pétion, Mirabeau et moi, avons inutilement demandé la parole.