Page:Grégoire - Lettre aux philantropes sur les malheurs, les droits et les réclamations des gens de couleur de Saint Domingue et des autres îles françoises de l'Amérique.djvu/5

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
( 4 )

Croiroit-on que, dans un ouvrage, imprimé cette année au Cap-François, un magistrat propose de leur ôter toute propriété immobiliaire, et de les réduire à une pension modique, pour les contraindre à servir les blancs ? Ce sont les termes de l’auteur[1].

Les sang-mêlés, étant indigènes, sont acclimatés. Cette race croisée, partant robuste, est regardée, depuis longtemps, comme le plus ferme appui de la colonie contre l’insurrection des Nègres et le marronage[2]. Quand dernièrement des dissensions intestines divisoient les blancs, qui a maintenu la sûreté publique et contenu les esclaves dans la subordination ? En temps de guerre, ils gardent les côtes. On sait quel courage ils ont déployé à Pensacola, à Savannah. Et quand, à la Martinique, on proposoit à M. de Damas de les désarmer, il s’y refusa, en citant avec éloge leur bravoure et leur fidélité.

Leur fidélité ! il falloit qu’elle fût bien reconnue, pour obtenir le témoignage éclatant que leur rend Hilliard d’Auberteuil[3]. L’assemblée générale de Saint-Marc, qui

  1. Idées sommaires, par M. de Beauvois, conseiller au Cap, etc. p. 13.
  2. Voyez la note de l’article mulâtre, dans l’Encyclopédie.
  3. Considérations sur l’état présent de la colonie française de Saint-Domingue. Paris, 1777, par M. Hilliard d’Auberteuil. C’est ici le cas de dire ce que je viens d’apprendre sur la fin tragique de cet écrivain. Vers la fin de l’année dernière, ayant été soupçonné de préparer un mémoire en faveur des sang-mêlés, il fut conduit, sur un bâtiment du roi, qui étoit en rade, au Port-au-Prince. Après avoir langui deux mois dans la fosse aux Lions, on l’en sortit mourant, pour le remettre à terre, où bientôt il expira.